Au même instant, un long sifflement déchire l'air et un 130 percutant vient prendre ses ébats à 50 mètres en avant des pièces et un peu à gauche.
- Va ramasser le dessert ! Rigole le servant de hausse.
On se regarde, on discute.
- Je te dis que c'est pour la batterie qui est à côté, vois les poilus qui se cavalent dans les sapes.
- Attends donc le second...
- Tiens le v'là !
Vrrr !... Celui-l éclate derrière le poste de comman- dement où le lieutenant venait de faire ouvrir le panier qui contient son repas.
- Bon, il n'y a pas d'erreur, c'est pour nous. ...Pour relever !
Tout le monde s'active, plus personne ne plaisante, les visages sont un peu pâles, mais résolus. Pendant qu'on met la pièce sur ses roues et qu'on met en route, il faut ranger tous les appareils. Encore quelques coups longs... Ouf ! ça y est, on est parti et on a la satisfaction de voir voler sur l'emplacement qu'on occupait tout à l'heure la terre soulevée par les explosions des « arrivées » dont la cadence se précipite.
Quant à se tirer indemne ou non d'une petite affaire semblable c'est une question de veine, voilà tout.
On va alors s'installer plus loin et, très vite, dès qu'on est en batterie, si l'avion de réglage qui nous a fait sonner et qui s'est rapproché dès que la section a été mise dans l'im- possibilité de lui nuire, est encore là, alors, oh alors ! On lui en met un vieux coup. Et la journée continue.
Le soir, après un deuxième repas pris sur le terrain dans des conditions analogues à celles du premier, quand la nuit tombe, on rentre.
Il faut repasser par des routes que les ravitaillements commencent à encombrer et sur lesquelles l'artillerie enne- mie cherche à trouver, à coups de 130 les points sensibles.
Les hommes abrutis de fatigue, tassés sur les voitures, dorment à demi, mais, en arrivant, ils devront se secouer pour procéder à un nettoyage sommaire du matériel et faire le plein des coffres, car demain matin il faudra repartir.
Et cette peinture n'est nullement dramatisée, croyez-le. Le programme de chaque journée ne comprend heureu- sement pas toujours un marmitage ni même « un repas fait