M. Lazare Ponticelli
Salut mon Camarade,
Ça y est, enfin, tu nous rejoins.
Voilà bien des années que nous t'attendions ; hier encore je le disais aux copains « Mais quand va-t-il donc franchir son dernier parapet ? ».
C'est la tête pleine de souvenirs, de cris, d'atrocités, d'explosions, de sang, d'exactions, que tous, nous faisions les cent pas, tout au long du vestibule, de l'antichambre aux murs blanchis, au Champ du Souvenir où tu vas venir poser ton paquetage.
Le Paul, qui est là depuis septembre 14, un des premiers, n'arrêtait pas de tempêter comme au plus beaux jours des relèves, quand « les autres », ces prop' à rien d' feignants avaient du retard et que dans la fange du boyau, la section piétinait dans le froid en priant que les nuages ne découvrent pas la lune.
Gaëtan scrutait l'horizon de son œil unique perdu à Lachalade et ne cessait de raviver nos souvenirs en imitant l'éclatement des marmites. Tu me croiras si tu veux, mais de son orbite vide, une larme a coulé quand il évoqua sa blessure et son meilleur ami emporté par le même obus qui lui fracassat le côté droit du visage.
François le bleu restait muet, tout à ses pensées de t'accueillir, lisant et relisant le petit mot de bienvenue qu'il sera chargé de te lire. Sa manche droite est vide, mais depuis avril 18, il a appris à vivre sans, malgré la douleur que ce membre disparu lui provoque.
Et tous les autres, biffins, artiflots, cuistots, garde-puces, coureurs et brancardiers, fauchés dans la fleur de l'âge, broyés, massacrés, dispersés dans cette terre de France, rougie de la mer du Nord à l'Alsace.
Et tu arrives Lazare, avec pour toile de fond un hommage national pour nous tous, enfin, reconnus.
Crois-tu que dans cet hommage, les plus humbles seront associés ? Penses-tu que l'Émile et Eugène le parisien ne seront plus évoqués comme des trouillards, des fuyards, des suicidés ? Crois-tu que les ptits gars de Souain, de Vingré, modestes caporaux et trouffions tombés sous nos propres balles auront droit au même hommage ?
Crois-tu que toutes les gueules cassées, mises à l'index et tous les copains, enfermés pour avoir perdu la tête sous des dizaines d'heures de bombardements, qui ont fini leur vie dans l'anonymat et parfois la honte, seront eux aussi honorés ?
Viens Lazare, sans doute ta disparition verra-t-elle se lever un jour nouveau.
Blaise
Texte de Alain GIROD
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